LA DANSEUSE

Elle s’avance, elle danse, elle se balance

Vit tellement l’instant que son corps entre en transe

Telle une fragile ballerine de porcelaine

Attirée par la lumière comme une phalène

Comme la lune, le projecteur épouse ses pas

Les cercles de ses jambes, tel le dessin d’un compas

Dans le noir le voit-elle ce spectateur du premier rang

Qui n’a d’yeux que pour elle c’est tellement transparent

La musique, surtout celle des dentelles du tutu

Du beau costume de lumière qu’elle a revêtu

Lui, il l’entend tellement et si délicatement

À ses oreilles, comme à ses yeux, un enchantement

Il se laisse un instant pour fermer ses paupières

Pour dériver vers une humeur primesautière

Il rêve de tenir le bras de la demoiselle

Qu’il tourne tendrement autour d’elle avec zèle

Gronde l’orage du tonnerre d’applaudissements

Voilà qu’il sort brusquement de son engourdissement

Une lumière trop crue vient inonder la salle

Un courant joue le long de son épine dorsale

Une douce chaleur irrigue le creux de ses reins

Pourtant sur son large fauteuil bleu il reste serein

Fendre la foule, glaner avec elle un instant

Ou pire un autographe, ce serait bien tentant

Mais le réel revenu que les grands néons nimbent

Font que certains rêves doivent rester dans les limbes

Une danseuse ignorante l’a pris en otage

Ce soir il rentre chez lui sur un petit nuage …