LA BÊTE HUMAINE

Un peu de rouge teinte la toison dorée

Quelques pigments qui viennent de se clairsemer

L’agitation est finie, les cris se sont tus

On n’entend plus ses larmes sous le toit pentu …

Elle était belle le jour de son mariage

Un coin de ciel bleu dans une vie sans nuage

Son prince charmeur et les invités charmés

En cette soirée où on les a vus s’aimer

Maintenant qu’ils se sont dits que c’est pour toujours

Ils ont trouvé une maison pour leur amour

Petit toit pentu qui donne sur le jardin

En bleu lavande les volets ils ont repeints

Elle n’a pas vu venir les premiers coups bas

Les petites insinuations qu’il abat

Il semble avoir toutes les cartes en main

Il se garde les pires pour après demain

Et quand les premières disputes ont éclaté

C’était souvent pour de simples futilités

Puis la première fois où sa main est partie

Elle l’a sentie durement sur sa joue rougie

Hébétée et triste, elle est restée prostrée

Lui ses épaules il a vite tournées

Il n’a pas vu couler les larmes de ses yeux

La vie a repris, elle a oublié un peu

Comme le prochain orage n’est jamais loin

Un soir où il a bu bien plus que de besoin

En arrivant, c’est une paire de torgnoles

Qu’il lui tend avant de finir à coup de grolles

Pour aller au travail le lendemain matin

Elle passe un temps fou avec du fond de teint

Pour atténuer les traces du visage

Les marques laissées par la bête sauvage

Le temps passe, elle évite de l’énerver

Elle sait bien qu’en lui la colère est larvée

Qu’à la moindre occasion elle peut éclater

De sa bestialité elle ne veut plus tâter

Ce soir il est sobre, ivre de jalousie

Il l’a vu rire avec un gars, son sosie

Il rentre chez eux des idées plein la tête

Et l’envie de la passer par la fenêtre

Un peu de rouge teinte la toison dorée

Quelques pigments qui viennent de se clairsemer

L’agitation est finie, les cris se sont tus

On n’entend plus ses larmes sous le toit pentu

C’est sûr que plus jamais elles seront entendues …