Écrire sur l’amour en omettant de parler chair
Comme si l’on pouvait laisser ce sujet en jachère
Un défi de l’aborder sans sombrer dans le grivois
Tant les mots sont bien plus puissants que la chose qu’on voit
S’il en est des trésors de langage érotique
Il suffit de se connaître au sens biblique
Deux corps nus à eux seuls disent les plaisirs du monde
Depuis que Terre est ronde et pensée féconde
Mais que dire alors de la « moniche » de Baffo
Evoquée si souvent dans des vers sans aucun défaut
Et il s’en est trouvé des critiques d’estaminet
Pour dénicher de l’obscène là où n’est que sonnet
Fourreau idoine pour accomplir la chose légère
Le « bijou rose et noir » si cher à Baudelaire1
Le beau sexe devant lequel le peintre se courbait
Pendant que de la grotte d’Ornans la source sourdait
Et si ne se dresse plus la colonne Vendôme
Cela n’empêche pas d’apprécier les jolis dômes
Voilà que ces derniers vers à eux seuls démontrent
Qu’il vaut mieux suggérer plutôt que l’on ne montre
Quand on laisse vagabonder son interprétation
Le sens qu’on donne aux choses est souvent trahison
A trop vouloir chercher de signifiants on s’égare
Comme le pauvre voyageur sur le quai de la gare
« Je sais que l’amant passionné du beau style s’expose à la haine des multitudes. Mais aucun respect humain, aucune fausse pudeur, aucune coalition, aucun suffrage universel ne me contraindront à parler le patois incomparable de ce siècle, ni à confondre l’encre avec la vertu 2»
1- Extrait de la stance à Lola de Valence issue des « Galanteries » des « Fleurs du Mal » dans laquelle Baudelaire n’a précisément jamais voulu évoquer le sexe féminin par ces termes souvent interprétés en un contresens majeur.
2- Projet de préface pour « Les Fleurs du Mal » rédigé par Charles Baudelaire.
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